La master class est, je l'ai déjà dit, un exercice périlleux tant pour le professeur que pour l'élève (et parfois pour le public)...
Voici une belle initiative à saluer. Dans le cadre des Carnegie Hall Performance Guide, le grand pianiste et pédagogue américain Leon Fleisher donne des master-class sur les dernières sonates de Schubert ; musique sublime, invité prestigieux, cadre prestigieux, élèves très doués : les ingrédients parfaits et connus de la master-class typique (cf Barenboim sur Beethoven et d'autres). Et surtout, une nouveauté intéressante: le chapitrage.
Chapitrage classique d'abord, par oeuvre et par mouvement. Mais surtout, un chapitrage transversal, par points techniques ou musicaux (le legato, la pédale, la posture...) abordés dans toutes les oeuvres. Cela paraît anecdotique, mais si ce système se généralise et s'organise, ce sera une petite révolution didactique.
Transmettre la musique, c'est transmettre un savoir et un savoir-faire. Cela a toujours été vécu dans le cadre d'un échange entre un maître et un apprenti, que ce soit pour le classique, le jazz, la variété... Assister à des concerts, aller travailler avec un maître, avec plusieurs maîtres : rien n'a fondamentalement changé aujourd'hui. Avec la multiplication des ressources vidéos et audios, les classes de maîtres et leurs idées se diffusent de plus en plus largement... au point de créer une surcharge d'information. En effet, une master-class "classique" dure en général 1 heure, avec plusieurs axes abordés, des exemples musicaux, des redondances, etc. A chacun de faire son marché, de réorganiser ces connaissances, et d'en tirer ses conclusions. 2 corollaires : un léger parfum de sérendipité, ou pour le dire plus simplement, l'impossibilité de savoir vraiment ce qu'on va y trouver (et du coup l'impossibilité même de pouvoir "rechercher" quelque chose de précis), et le problème du "compactage", ou du résumé (chaque master class est une chose en soi, indivisible et compacte).
L'immense avantage qui émerge de ce nouveau chapitrage ? L'accessibilité. Ce qui change profondément la dynamique : l'offre peut croître sans devenir opaque, les ressources en ligne peuvent se multiplier sans se parasiter. Exemple concret : Vous vous posez des questions sur le legato ? Voici ce qu'en disent Barenboim, Fleischer, Perahia ; voici comment ils l'illustrent, et comment les élèves réagissent.
Un formidable accès à la connaissance, et l'émergence d'un web artistique collaboratif plein de promesses.