Mais regardons à nouveau ceux qui ont trouvé grâce aux yeux de l’ange. Ils se révèlent singuliers, peu communicatifs, solitaires et malgré ces points communs se ressemblent moins entre eux que ceux qui ont été expulsés. Qu’est-ce qui les a conduits au Temple? La réponse n’est pas facile à fournir et ne peut assurément pas s’appliquer uniformément à tous. Mais d’abord en premier lieu, avec Schopenhauer, je m’imagine qu’une des motivations les plus puissantes qui incitent à une oeuvre artistique ou scientifique, consiste en une volonté d’évasion du quotidien dans sa rigueur cruelle et sa monotonie désespérante, en un besoin d’échapper aux chaînes des désirs propres éternellement instables. Cela pousse les êtres sensibles à se dégager de leur existence personnelle pour chercher l’univers de la contemplation et de la compréhension objectives. Cette motivation ressemble à la nostalgie qui attire le citadin loin de son environnement bruyant et compliqué vers les paisibles paysages de la haute montagne, où le regard vagabonde à travers une atmosphère calme et pure, et se perd dans les perspectives reposantes semblant avoir été créées pour l’éternité. Albert Einstein


Les grands professeurs ne devraient pas mourir. Ils façonnent des générations, ils révèlent les gens à eux-mêmes, ils font jaillir l'ombre et la lumière en chacun de nous, ils inspirent, bouleversent, blessent, consolent, subjuguent. Ils se propagent, comme un lent éblouissement, comme un éclair horizontal.

Les grands musiciens ne devraient pas mourir. Ils changent l'équilibre de l'Art, ils sonnent l'inouï, ils nous font découvrir ce que nous pensions connaître par coeur, ils portent en eux ce mélange à la fois rare et déconcertant de grâce et de violence qu'est la véritable passion musicale.

Jean Koerner n'aurait pas dû mourir, car il était immense comme musicien et comme professeur.
Je pense sincèrement à ses proches, et à leur chagrin.
Je pense à tous ceux qui l'ont croisé, à la fulgurance de son enseignement, à cette vitalité qu'il nous a transmise, et dont nous sommes à présent les garants.
Je pense à la musique, qui le 22 octobre dernier a fermé les yeux un instant, et s'est tue quelques secondes.