webern

Les compositeurs sont des êtres complexes, et difficiles à appréhender. Les études sociologiques ne s'y intéressent guère, et se heurtent toutes à la barrière infranchissable du génie. Impossible dès lors de dégager une typologie cohérente et lucide. Pourtant, composer, ce n'est pas seulement virevolter dans des sphères inconnues et tutoyer les anges. Composer, c'est un peu comme aller à la pêche.

Il y a plusieurs types de pêcheurs. L'obstiné, qui est là tous les jours, que ça morde ou pas (Stravinsky). Celui qui connaît un bon coin, et qui s'étonne quand sa pêche miraculeuse se tarit (Mendelssohn). Celui qui pêche avec un immense filet, et qui ramasse tout ce qui passe... Webern pêche lui aussi au filet. Mais au filet le plus subtil qui se puisse concevoir, d'une envergure si réduite et d'un tissage si fin qu'il invalide dans les termes la possibilité même d'une pêche miraculeuse. Ce n'est pas un filet, c'est un tamis, et ce n'est pas un pêcheur, c'est un chercheur d'or.

L'or musical est moins immédiatement séduisant que l'or de joaillerie. Disons qu'il brille d'un éclat plus secret ; c'est probablement ce qui le rend plus difficile d'accès... Et si l'on se retrouve sans préparation devant l'un de ces joyaux weberniens, il est malheureusement facile de passer à côté sans l'entendre ; il est aisé de juger "hermétique" ce qui n'est en fait que concentration extrême ; et commun de ne percevoir que du silence ou de la raréfaction là ou tout est quintessence...

Il est désormais possible, par le biais du site MEDIAMUS, d'assister à une présentation par Pierre Boulez des pièces pour orchestre opus 10 de Webern. Cette vidéo très didactique et érudite prend le temps de mettre en valeur chaque détail de ces pièces finement ciselées, et elle est un excellent moyen de se plonger dans l'oeuvre du grand compositeur viennois.